Je suis un bon conducteur. Je suis consciencieux, attentif, raisonnable et prudent. Ma voiture est en bon état et je garde toujours à distance mon téléphone portable afin d'éviter d'être déconcentré.

Pourtant, j'ai eu à faire un stage de récupération de points sur mon permis de conduire la semaine dernière. Mais soyez rassurés, je suis surtout victime de mon inattention, avec de tous petits excès de vitesse...bon d'accord, j'ai peut être forcé une fois un feu orange...et oui d'accord, par bêtise j'ai décroché mon téléphone portable un matin, mais vous comprenez c'était à moins de 100m de mon point d'arrivée...

Pendant que chaque stagiaire énumérait ses "petites" erreurs, justifiant du caractère exceptionnel systématique je pris conscience que l'automobile, la conduite, la route que symbolise son code sont par excellence un environnement libéral qui peut nous aider à appréhender simplement quelques fondamentaux.

En effet, le principe même de l'automobile est que le véhicule a été inventé pour libérer l'individu d'une contrainte pesante; se déplacer. La voiture est donc originellement un outil de liberté. Et les débuts de l'automobile ont été marqués par un engouement incroyable autour des progrès technologiques de cet instrument novateur. Puis vint l'ère de l'industrialisation. Qui dit industrialisation dit consommation et l'outil devient un produit de masse. Il est temps de légiférer pour organiser tout ça car en parallèle le progrès technique a créé des machines solides, rapides donc dangereuses. Et l'aventure libérale commence.

Nous sommes tout libres au volant de notre voiture. Chaque jour en empruntant notre véhicule, nous faisons un choix individuel et personnel, que nous pourrions éviter en empruntant d'autres moyens de transport. Nous sommes donc libres d'attacher notre ceinture, libres de rouler à droite, libres de rouler vite, libres de rouler ivres...nous sommes libres de manger, boire, fumer ou téléphoner au volant...nous sommes libres de rouler seul ou accompagner de nos proches, de nos collègues...lorsque nous montons en voiture, nous avons le choix. Vais-je être prudent? Vais-je prendre soin de moi, des miens ou tout simplement des autres usagers de la route qui sont mes semblables? Vais-je prendre le volant après ce déjeuner arrosé en sachant que je perd de l'attention et des réflexes à chaque absorption de ce délicieux vin? Nous sommes libres, individuellement, de faire ces choix. La route, c'est le libéralisme...

Qu'est-ce qui nous empêche de faire n'importe quoi n'importe comment lorsque nous prenons le volant? La loi...Le fameux code de la route qui défini plus ou moins bien d'ailleurs, avec plus ou moins de justesse, plus ou moins de justice, les règles de base à respecter pour que chaque utilisateur puisse user de la liberté de conduire sans entraver celle de l'autre...ça vous rappelle quelque chose?
Le code de la route qui ne cesse d'évoluer depuis des décennies pour faire face à l'évolution technique des véhicules, pour s'adapter aux usages que l'on en fait ou simplement sous l'influence d'autres pays plus en avance sur le sujet. Et ce code de la route est indiscutable, avec une baisse du nombre de tués sur la route de 75% en 40 ans. La régulation, la réglementation et la sanction ont donc une efficacité indéniable. L'Etat, au travers du code de la route gère et contrôle le système pour le bien des automobilistes. La route, c'est le libéralisme?

Une statistique simple va illustrer mon propos. Il y a 38 millions d'utilisateurs de voitures en France en 2014. Il y a 38 millions de titulaires du permis de conduire, 38 millions d'individus à qui l'Etat a transmis le droit de se véhiculer et qu'il gère et contrôle. Car l'Etat peut retirer à ces 38 millions de titulaires le permis de conduire. Et d'ailleurs, il a pensé a un système évolutif, fait de points qui peuvent être perdus ou récupérés dans le temps. Ainsi, chaque conducteur gère son pécule de points et doit assumer ses erreurs. Et il est en cas de bonne conduite (c'est le cas de le dire) récompensé mécaniquement par une réintégration de ses points perdus. Le conducteur est libre donc d'être sanctionné ou récompensé. Le système lui-même, impulsé par l'Etat est libéral.

Mais reprenons la statistique...38 millions d'usagers de la route en 2014 et 3000 tués...soit 0,008%...un risque excessivement faible. La peur de la sanction est donc efficace...mais les chiffres ne s'arrêtent pas là. Plus de 80% des permis détenus ont un solde de points à 100%. La peur n'est donc pas le moteur, la motivation qui expliquent ces résultats. Nous sommes libres...nous sommes libres de choisir...choisir de perdre des points, d'en gagner, d'arriver à l'heure ou en retard, de répondre à cet appel ou de rappeler plus tard. Nous sommes surtout conscients que nous ne voulons pas mourrir. Que nous ne voulons pas que nos proches meurent. Nous sommes libres mais responsables. Responsables donc de notre vie et de celles de ceux que l'on aime. Nous sommes donc chaque jour conscients de notre liberté mais nous faisons tous (enfin presque) le choix de contrôler nous-mêmes notre liberté afin de rester en vie. C'est ainsi que chacun faisant attention à son comportement routier, individuellement, dans son coin, que l'on évite collectivement des hécatombes. L'effort de responsabilité de chaque individu sert l'intérêt général. La route, c'est le libéralisme...

A ce stade, on pourrait être satisfait de cette démonstration simpliste mais qui illustre clairement les piliers du libéralisme. Je suis un être libéral car je suis libre. Je suis libre donc responsable de ma liberté et en la protégeant j'en deviens propriétaire. Et en protégeant ma propriété je renonce à des comportements dangereux pour moi et les miens. J'agis ainsi sur le collectif en ayant un comportement individuel cohérent.

Mais le raisonnement peut et doit aller plus loin. Car en voiture, si nous ne souhaitons pas mourir ou voir mourrir nos proches, nous ne souhaitons pas non plus tuer...et là, cela change la donne. Car l'être humain par ce réflexe révèle sa nature libérale. Nous ne voulons pas tuer bien entendu par instinct (pour la grande majorité d'entre nous heureusement), par éthique, par moral ou par peur de la sanction légale. Mais surtout, nous ne voulons pas tuer car nous ne voulons pas porter la responsabilité d'avoir pris la vie d'un autre. Car nous voulons être responsables de nous-mêmes, de notre liberté...et pas de celle des autres. Ce réflexe humain est inné et cette liberté que nous avons de bien nous comporter sur la route nous rend responsable de l'autre simplement pour ne pas porter personnellement un poids trop lourd. En prenant conscience de ma liberté, en me responsabilisant moi-même par rapport à l'autre, j'espère qu'il le fera également et qu'ainsi, sans que nous ne nous connaissions, sans savoir si nous nous apprécierions, sans savoir si l'un ou l'autre le mérite, nous nous protégeons. La liberté de l'individu est au cœur du concept libéral. Être libre appelle une lourde responsabilité. La liberté de chacun s'arrête où commence celle des autres. La route, c'est le libéralisme...

Libérez la route!!!